SUBTIL BÉTON
les Aggloméré·e·s

Un roman d’anticipation fabriqué à plusieurs mains.

REVUE DE PRESSE

Blog - LES CRITIQUES DE YUYINE - février 2022

« Subtil béton est passionnant dans le sens où il est un formidable terrain de jeu qui permet d’aborder plusieurs chemins de réflexions sur la question de la lutte mais aussi des définitions d’utopie et de dystopie. On y remet en question même le principe d’ensemble, évoquant les disparités d’un groupe, les compromis complexes, les impasses aussi… »

Subtil Béton - Les critiques de Yuyine – Publié le 2 février 2022

Vous pouvez lire l’article original directement sur le blog des Critiques de Yuyine

Ce début d’année 2022 a été marqué par une sortie étonnante aux éditions L’Atalante. Subtil béton est un roman d’anticipation né du collectif Les Aggloméré·e·s et accompagné d’une massive carte IGN de 68cm de large et 86cm de hauteur et même d’un site internet dédié. Un projet qui a été initié en 2007 et pour lequel une cinquantaine de personnes ont contribué. Très curieuse du roman né de ce projet, j’ai eu immédiatement envie de me plonger dans Subtil béton et voici ce que j’en ai pensé…

[NB : Je remercie les éditions L’Atalante pour ce service presse.]

Extrait :

« ce collectif ne brillait pas par sa cohérence politique, ni par ses compromis rationnels, ni même par son équilibre affectif… mais il tenait par une subtile alchimie des trois | »

Une bulle de lumière

Subtil béton est un projet un peu fou et pourtant génial qui trouve sa naissance dans des ateliers d’écriture féministes et discussions d’un collectif depuis 2007. Alors qu’un roman était en train de naître, le présent a rattrapé l’anticipation sur bien des aspects, soulignant à la fois le réalisme de cette oeuvre d’anticipation dystopique, mais aussi la merde dans laquelle nous nous trouvons. Subtil béton est un ouvrage qui nous parle de l’échec d’une lutte que la répression, effrayante, a anéantie, du moins en surface. Elle nous parle de ce besoin d’agir, de ce qui nous empêche de le faire et, surtout, du pouvoir du collectif. C’est un roman de SF qui est d’une actualité glaçante. Les auteurices y abordent, entre autres, le racisme, les violences policières, la surveillance, les médias, la transphobie, les expulsions, la misère, les boulots éreintants et sous payés, les politiques sécuritaires et inégalitaires… Mais dans cet océan de crasse et de merde, ielles arrivent à y insérer une vague d’espoir, un éclat de lumière comme le reflet du soleil sur le dos d’un dauphin. Alors oui, les sujets sont durs, parce que la réalité de notre présent est si proche de ce qui ne devrait jamais dépasser le stade de la SF. Mais c’est aussi bourré d’amour et d’élans pour la collectivité. C’est aussi un roman très imparfait. Il est parfois déroutant, notamment lorsque l’imaginaire s’insère dans le réel et réécrit le monde. Il contient également des longueurs et des temps creux, faisant diminuer l’enthousiasme par vagues. Mais c’est surtout un roman fortement intéressant, que ce soit dans le procédé d’écriture (je vous invite à le découvrir sur leur site après la lecture !) ou dans son résultat. 

Extrait :

« Il y a des choses que je ne peux pas laisser passer, et chaque jour j’en laisse passer plein : plein de discours du Premier ministre, plein de nouvelles lois et de nouvelles prisons, plein d’expulsions et de crimes policiers, plein de travaux pénibles pour des salaires de misère, plein de maux mal soignés, de gens déportés, plein d’agressions racistes et de violences sexistes, homophobes, transphobes…Et je ne suis même pas sûr d’en empêcher une seule. Nous nous rassemblons, nous cherchons à constituer une force, et c’est au coeur de ce tourbillon que je me dilue dans la puissance collective. Je connais cette force et elle me remplit de joie. »

Un roman multiple et inclusif

Subtil béton est passionnant dans le sens où il est un formidable terrain de jeu qui permet d’aborder plusieurs chemins de réflexions sur la question de la lutte mais aussi des définitions d’utopie et de dystopie. On y remet en question même le principe d’ensemble, évoquant les disparités d’un groupe, les compromis complexes, les impasses aussi. C’est un ouvrage qui nous ouvre aux débats, qui interroge sans cesse, qui se remet en question, reflet, je suppose de sa propre création mais aussi des discussions du collectif à son origine. Ainsi, on découvre plusieurs personnages qui luttent à leur manière et sans qu’aucun jugement ne soit imposé sur leur façon de faire face. Subtil béton déploie sa multitude de personnalités, de celleux qui craignent d’agir face à la répression à celleux qui s’enflamment et partent dans des actions plus extrêmes en passant par celleux à la volonté utopiste qu’égratigne la réalité qui les entraîne alors vers une fuite dans la fiction. Les personnages sont tout-te-s imparfait-e-s, avec des failles comme des fulgurances, mais chaque être a son importance et son rôle à jouer dans le collectif formé. En conséquence, dans le roman, tout le monde a droit de parole, y compris les enfants souvent oubliés des luttes et des romans du genre. Cela crée un roman choral où plusieurs styles narratifs se succèdent, plusieurs formes d’écritures aussi. Ce qui peut être déroutant est aussi très significatif comme l’emploi de plusieurs écritures inclusives/démasculinisées. Le collectif joue avec la langue et explore ainsi les différentes manières d’inclure, de lutter contre le patriarcat. Une multiplicité des luttes jusque dans le choix des mots et des accords. C’est absolument formidable et d’une telle richesse ! Cela devient tout bonnement grandiose quand, en dernière partie, toutes les voix se mêlent, tous les styles s’assemblent dans un ensemble étrange, diversifié, multiple et magnifique qui se fait l’écho d’un espoir un peu fou, ou, à tout le moins, d’un élan collectif qui nous pousse en avant. Un instant où chaque parole compte, y compris celle de l’ensemble qui résonne si fort.

Extrait :

« Je crois qu’au fond on n’a pas besoin qu’on nous bande les yeux : on les garde fermés de nous-mêmes… »

En bref, Subtil béton est un roman imparfait mais indéniablement intéressant que ce soit dans son élaboration, dans ses intentions ou dans son essence-même. C’est un projet épatant d’une richesse folle qui questionne les utopies et dystopies, qui explore l’âme humaine et les luttes et qui hisse en banderole un appel au collectif d’une rare force. C’est difficile de vous en parler avec clarté tant il y a de choses à en dire. Si vous êtes à minima curieuses et curieux, tentez l’aventure…

Résumé :

« Zoé est lycéenne lorsque le mouvement social devient insurrectionnel. À force d’assassinats et de disparitions, la révolte est écrasée par le régime. Les révolutionnaires se dispersent alors que l’autoritarisme se renforce.
Subtil béton n’est pas l’histoire de cette insurrection, mais de ce qui reste après la défaite. Colères et tendresses se mêlent en de multiples tentatives pour reconstruire espoirs et solidarités. »

(Illustration de couverture : © Les Aggloméré·e·s - design © leraf)

[Diversité : pp gros.se, pp lesbienne, ps trans, ps arabe - algérien.ne, ps arabe - lybien.ne, ps métis.se, ps végétarien.ne]