SUBTIL BÉTON
les Aggloméré·e·s

Un roman d’anticipation fabriqué à plusieurs mains.

Quelques extraits

STERNE

Dans la pièce d’à côté, il y a la réunion des Grandingues. C’est une graaaande discussion pour parler de…

… noooooootre avenir. L’avenir, c’est toujours une question embêtante pour les Grandingues. Il faut dire que c’est pas simple : qu’est-ce qu’elles vont faire de nous ? C’est pas du tout pratique, les enfants ! Alors elles discutent, elles discutent, elles discutent, et nous on doit attendre notre avenir. C’est comme ça avec les Grandingues.
J’ai dit à Faz qu’elle n’était pas obligée de s’occuper de nous : d’habitude, on se débrouille très bien pendant les réunions des Grandingues. Mais Faz a dit que non, que ça lui faisait plaisir d’être avec nous.
— Du moment que vous m’expliquez pourquoi vous nous appelez les Grandingues, bien sûr…
— Pazegue les réu za rend diiiiingue ! a balancé Dudu en faisant sa grimace spéciale « je m’élargis la bouche au maximum en clignotant des yeux ».
Faz n’a pas fait de commentaire, mais vu son drôle d’air, Dudu et moi, on s’est tous les deux regardés en se disant que oui, elle avait raison de pas y aller si elle voulait limiter un peu sa dinguerie personnelle.
Après, on a bien vu que Faz voulait sortir à tout prix. Elle nous a d’abord proposé une balade du côté de champs cultivés. Bien sûr, on a refusé. Ensuite, elle a dit qu’on pourrait jouer dans le jardin. Mais nous, on y avait déjà joué toute la matinée, alors on a encore dit non. Et là, Dudu a eu une idée de génie : il a proposé qu’on fasse un gâteau spécial pour la fin de la réunion. Faz, elle ne pouvait plus refuser, alors on est restés dans la maison.
— Pourquoi tu participes pas à la réunion, toi ?
— Je suis là depuis moins de 3 mois. C’est un peu comme si j’étais jeune, comme vous. J’ai encore le droit de ne pas y aller à chaque fois.
— Nous, on y va jamais, remarque Dudu.
— Alors qu’on a 4 et 10 ans… Et toi, t’as que 3 mois !
— Raison de plus pour ne pas y aller. J’ai écrit une lettre à la place, et puis je leur fais confiance… Bon, on le fait ce gâteau ?

 

 

Dudu a déserté l’atelier cuisine au bout de 3 minutes 50. C’est normal, il est petit, il préfère dessiner. Le gâteau, c’est tout un truc. En plus, la balance merdoie. Faz a dit qu’il fallait l’opérer de toute urgence et qu’on verrait le gâteau plus tard. Je me demande si c’est pas une feinte. Mais je dis rien.
Dudu relève la tête de sa tablette :
— Je voudrais bien t’offrir ce dessin, mais j’ai un problème.
— Ah oui ? Que se passe-t-il ?
— Ben, je sais pas écrire ton nom.
— F, A, Z.
— Ça ressemble pas à un nom de la Franco, ça, je lui dis. C’est pour résister à l’Assimilation, comme nous ?
— Je me demande comment vous faites pour être aussi intelligents. Quand j’avais votre âge, je ne comprenais pas le monde aussi bien que vous. Même aujourd’hui, je me dis que vous le comprenez mieux que moi.
— C’est normal, t’as que 3 mois !
C’est trop marrant de lui dire ça. Faz rigole. Dudu a l’air de s’en fiche pas mal d’être plus intelligent que Faz, mais moi, ça me fait un petit truc de fierté. Et comme j’ai de la suite dans les idées (c’est Pedro qui dit toujours ça), je lâche pas l’affaire.
— Alors, pourquoi tu t’appelles Faz ? C’est tes parents qui t’ont choisi un nom de résistante ?

 

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